L'ORCHESTRE DE BAL "JEAN-LOUIS KELLY"

Nickie et Jacques, son mari guitariste, décidèrent d'aller tenter leur chance en région parisienne. Les trois éléments restant rentrèrent dans un autre orchestre, mais l'ambiance détestable a fait que nous avons tenu un mois.

Avec sans doute une dose d'inconscience, je me suis lancé, ne possédant que mon saxophone et ma voiture. Joëlle, ma future seconde femme, a avancé l'achat de la sonorisation, mes parents celui d'une remorque, et vogue la galère. Je pris le pseudonyme de Jean-Louis Kelly, car mon nom de famille était invendable, mais il faut bien avouer que la référence de trois musiciens de l'orchestre Nickie a bien aidé au démarrage.



J'ai été responsable d'orchestre durant onze ans. Pendant ce laps de temps, j'ai changé plusieurs fois de formation, car les bons musiciens qui m'entouraient avaient des propositions d'orchestres plus célèbres. A chaque fois, il fallait refaire  plusieurs jours de  répétition pour l'adaptation des nouveaux et en fonction de leurs qualités différentes, modifier le répertoire.

Il faut mentionner l'évolution du métier, car pratiquement jusqu'en 1960, les musiciens étaient dans la majorité des cas,  des amateurs. A partir de cette époque, ils étaient en grande partie professionnels bénéficiant des avantages sociaux. Donc le responsable d'orchestre subvenait indirectement au train de vie des musiciens et de leur famille. Il va de soi qu'en dehors des bals, ces éléments enseignaient leur instrument.
  

l'orchestre de bals "Jean-Louis Kelly" a existé du printemps 1968 à février 1979. En effet, le travail devenait de plus en plus difficile, la Bretagne avait été la poule aux œufs d'or des orchestres avec de superbes dancings qui attiraient des orchestres de renom très souvent.


Si notre région avait été en avance pour les orchestres, elle l'a été ensuite pour les discothèques. Les patrons des grandes salles les ont équipées d'un matériel sophistiqué et un DJ remplaçait l'orchestre.

On commençait le cycle où la musique n'appartenait plus aux musiciens. Ajoutez à cela dans certaines régions les bagarres de bandes rivales dont le champs de bataille était devenu le bal, la bagarre d'un bal était très souvent la revanche de celle d'un bal précédent, avec la présence de videurs dont les chiens hurlaient, mais jamais dans le ton.... Pour tout arranger les frais de restauration et surtout de charges sociales ne plaidaient pas en faveur des orchestres.

Le plaisir n'était plus là, et j'ai donc arrêté à temps le bal public. J'ai continué par des soirées privées, mais pas de façon régulière. Le réveillon de l'an 2000 pour l'armée a été ma dernière très bonne affaire, et j'ai arrêté définitivement après le réveillon 2004. Voilà ce qu' a été la vie d'un musicien de variétés, certains diront avec dédain d'un "baluchard". Néanmoins, entre nous dans les orchestres, l'ambiance était agréable et en dehors du travail, nous passions du bon temps où les gags incroyables étaient fréquents.


J'ai quand même vu tous les styles de musique se succéder, depuis les orchestres musette à deux ou trois (pasos, valses, tangos, rumbas, sambas), ensuite la musique typique (mambo, cha-cha), les années yéyé, le rock (dont les Beatles), le rhythm' and blues, et aussi la pop music avec le répertoire de groupes comme Blood Sweet and Tears, Chicago, Pink Floyd etc. L'arrêt de ma formation suit peu après.

Dans notre région, nous ne sommes hélas plus nombreux à avoir connu et pratiqué toutes ces époques et pouvant en témoigner, cela se compte désormais sur les doigts de la main. Je pense souvent à tous ceux avec qui j'ai travaillé et qui sont disparus, certains assez jeunes. Et pour ceux-là, on peut dire que leur vie a été une symphonie inachevée. Je leur dois à tous de m'avoir permis de réussir une vie bien mal engagée au départ, et avec certains bons élèves que j'ai eus par la suite, ils ont constitué après mes parents et Joëlle, mon épouse, ma véritable famille de cœur.

Maintenant, il me reste mes souvenirs. Je joue du saxophone pour mon plaisir, notamment les morceaux que j'ai aimés et qui me rappellent le temps passé. Je possède des phonographes qui me permettent d'écouter l'historique de l'enregistrement sonore et musical à partir de 1860. Je chante aussi avec un orgue de barbarie nouvelle génération, et je fais de temps en temps une animation en maison de retraite en proposant aux résidents le répertoire des années 1960, qui nous rappelle les bons moments de notre jeunesse.


Pour les gens de ma génération, ceux que l'on peut appeler les "grands" de la chanson française (Trenet, Bécaud, Ferrat, Ferré, Brel et quelques autres) n'ont pas trouvé de successeurs.

Pour ce qui ressort des chansons, on peut en distinguer deux catégories:

1/ La chanson immortelle ou de conservation qui permet de garder le patrimoine.

2/ La chanson populaire ou de consommation qui souvent passe avec l'époque.


Je n'ai rien contre la chanson actuelle, et reconnais même que certains artistes peaufinent de beaux textes et des mélodies agréables. Mais chaque génération possède la nostalgie de sa jeunesse. Il est néanmoins difficile de prévoir ce que le patrimoine gardera d'une grande partie de la musique diffusée actuellement et ce que la jeunesse actuelle en gardera lorsque l'âge s'avancera.

Il y aura néanmoins toujours un public pour les grandes œuvres de la musique classique et le bon jazz, car cela est indémodable.

A part quelques rares exceptions, notre métier, qui fut si agréable, n'est donc plus un métier d'avenir et ne peut plus être qu'une saine distraction, pas toujours accessible à tous. Certains groupes connus de musique actuelle et aussi de jazz peuvent se faire encore plaisir, mais les musiciens font souvent partie de plusieurs ensembles pour vivre correctement, et avoir le nombre de cachets suffisants afin de bénéficier d'une couverture sociale. Ils sont aussi intermittents du spectacle, ce qui donne droit aux indemnités de chômage. Ils doivent aussi prévoir qu'à l'âge de la retraite, celle de musicien n'est pas mirobolante. Sa base de calcul est de 50% des 25 meilleures années (pas revalorisées). Certains musiciens optent aussi pour le statut de auto-entrepreneur. 

Pour ce qui est de la musique de danse, celle-ci est assurée par des ensembles de deux ou trois musiciens seulement, car les autres ont été remplacés par les instruments électroniques. Souvent, une seule personne fait fonction de déménageur, sonorisateur, chanteur, instrumentiste, animateur, dj.... et pour couronner le tout, les clients imposent leur répertoire. J'admire ce qu'ils font, car pour moi, cela aurait été impossible: le seul plaisir aurait été le cachet à la fin. Quant à la clientèle, du moment qu'il y a du bruit et de l'ambiance....


Les bals actuels, appelés aussi thé dansants, n’intéressent pas les jeunes générations et vont sans doute disparaître. Leur clientèle souvent âgée est le reliquat de clients que nous avons fait danser dans leur jeunesse, et même les organisateurs de cette génération ne sont plus motivés. Ces bals peuvent encore être un lieu de rencontre pour personnes seules. Par contre les dancings gardent une clientèle fidèle.






 


**********************

Un dernier plaisir pour moi fut le 30 juillet 2016: invité au mariage d'une de mes anciennes élèves, j'ai participé à l'animation musicale de cette journée. Je ne pouvais rêver mieux pour achever ce parcours musical.

4 commentaires:

  1. Cher Louis. Bravo pour ce blog qui me rappelle mes 10 années passées à Rennes (de mi-décembre 1969 à fin novembre 1979) où j'ai eu l'occasion de faire partie de ton orchestre durant deux années en compagnie de Jean-Marie Le Flanchec, Joël Ducatillon, Michel Hardy, Jean-Yves Caillard. J'en garde un excellent souvenir surtout que j'ai gardé des enregistrements de cette épique époque ! Nous avons sillonné la Bretagne de long en large avec bonne humeur et surtout: toujours de la bonne musique. Les années ont passé mais je n'ai rien oublié... nous avons connu une période formidable, il y avait des bals un peu partout presque tous les W.E. ! Ah... cette nostalgie...
    Je t'envoie mes sincères amitiés et au plaisir de te revoir un jour prochain
    @+ Yvon Juillet

    RépondreSupprimer
  2. Ce fût une pour moi un réel plaisir de parcourir ton blog et je t'en remercie.

    Tu as réalisé une rétrospective très intéressante de ton beau parcours en intégrant l'évolution du milieu des bals en tant que musicien de variété ensuite la fonction de chef d'orchestre avec ses contraintes, et pour clore la palette l'enseignement de ton art aux jeunes générations et la vulgarisation de la formation musicale en milieu rural bravo à toi d'y avoir participé, ces données reflètent fidèlement la vie du musicien de talent que tu es.

    Sachant t'adapter à l'environnement musical des différentes époques traversées grâce à ta solide formation musicale acquise sur le terrain ainsi que par l'obtention d'un premier prix de saxophone du conservatoire de Rennes (élève de Jacques Melzer, une référence dans la profession en tant qu'ex-saxophoniste de l'orchestre Jacques Hélian), tu as inscrit et attesté ta passion pour ce jeune et noble instrument.

    Ainsi, ta formation te permettra d'interpréter, des oeuvres classiques avec le quartet sax 35 concrétisant ta notoriété et tes qualités d'instrumentiste, et également de la musique de variétés dans les différents orchestres reconnus sur la place de Rennes dont tu as été titulaire au cours de ta carrière.

    Bravo,

    Bien cordialement,

    Francis COTTIN

    RépondreSupprimer
  3. Bravo Louis pour avoir retracé en peu de temps toute une époque de musique (bals,soirées privées,mariages etc...)ou nous avons pris du plaisir à jouer sérieusement sans se prendre au sérieux. Merci pour ton témoignage d'une époque révolue. Jean Buisson.

    RépondreSupprimer
  4. C'est avec grand intérêt que nous avons lu mes amis musiciens et moi-même votre blog. Témoignage très précieux d'une époque révolue. Bravo aussi pour la qualité des morceaux à écouter. Benoit FERRANT

    RépondreSupprimer